Le jeu de rôle pour tous
Rédigé par Thomas Laborey.
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Avec toute mon estime à Chaosium, les véritables
inventeurs des jeux où on joue un rôle.
Ce système de jeu minimal est destiné à être utilisé pour faire découvrir le jeu de rôle à des populations dont l’âge, la sociabilité ou le niveau d’instruction limite la capacité à s’intéresser d’emblée à des systèmes élaborés ou à des univers compliqués.
Il peut en outre servir d’illustration pour des publics qui méconnaissent le jeu de rôle et ne souhaitent pas investir dans sa découverte (journalistes, pouvoirs publics, responsables associatifs, universitaires, artistes, familles…)
Il s’agit avant tout d’une maquette nécessaire et suffisante du point de vue des joueurs. Pour autant, sa légèreté même nécessite un meneur expérimenté, à même d’arbitrer rapidement et sans équivoque. Cette caractéristique est délibérée, puisqu’il s’agit avant tout d’un outil de démonstration, laquelle ne peut guère avoir lieu que sous la direction d’un pratiquant chevronné. Ce n’est donc pas ce que l’on appelle communément un « jeu d’initiation ».
Les personnages sont définis prioritairement par leur type. Il s’agit de quelques mots qui définissent de quel personnage il s’agit et précisent les grands domaines où il est particulièrement à l’aise. Le type se décompose en deux parties :
· Une partie « professionnelle » qui définit le principal domaine de compétence du personnage.
Exemples : médecin, avocat, religieux, journaliste, étudiant, sportif professionnel, comédien…
· Une partie « individuelle » qui affine cet archétype par des éléments de loisirs ou de psychologie.
Exemples : alcoolique, intègre, père de famille, superstitieux, fou de voitures, macho, qui aime les animaux, musicien…
Pourquoi ? Une phrase très courte, facile à mémoriser, permet d’ancrer le concept du personnage dans l’esprit du lecteur. En outre, le fait de consulter fréquemment ce texte en connaissant sa signification peut être une façon imperceptible d’apprendre à le lire et de dédramatiser l’apprentissage de la lecture en le rendant utile et gratifiant.
Le type est utilisé pour exposer en quelques mots la nature du personnage à celui qui va le jouer. Il peut également servir à déterminer si le personnage peut entreprendre une activité qui nécessite des aptitudes particulièrement rares (chirurgie, langues mortes, pilotage d’avion de chasse…). Enfin, il doit colorer les informations que le meneur donne au joueur, de façon à aider le joueur à percevoir l’univers dans lequel son personnage évolue à travers les yeux du personnage : deux personnages de type différent témoins de la même scène ne verront pas exactement la même chose.
Tout personnage est défini par 6 caractéristiques chiffrées qui déterminent ses capacités dans les différents domaines possibles.
Elles sont notées de 1 à 5, la moyenne étant à 3. Le score est noté non pas sous forme numérique, mais en entourant, sur la feuille de personnage, le dessin représentant la face de dé qui comporte le bon nombre de points. En cas de fluctuation des caractéristiques, il suffit d’entourer la face correspondant au nouveau score :
Le total des caractéristiques d’un personnage débutant est de 18.
Chaque caractéristique est assortie d’un bref commentaire qui explique le score. Là encore, cet artifice est utilisé pour rendre compte du personnage en termes plus narratifs que numériques, de façon à tangibiliser le score chiffré et à induire une interprétation du personnage. Il sert également à aider le meneur dans les arbitrages à propos des capacités des personnages. Pour autant, ce commentaire n’est en aucun cas restrictif quant aux actions que le personnage peut entreprendre dans le jeu : il est là en tant qu’illustration.
Pourquoi ? Le nombre de variables est faible et facile à mémoriser, d’autant que les champs d’application sont intuitifs et se recouvrent peu. Les valeurs possibles sont peu nombreuses (donc il y a peu d’écart entre les personnages) et peuvent se compter sur les doigts. Tous les personnages sont au total équivalents, et en moyenne d’un niveau moyen pour éviter toute compétition. La notation ne nécessite pas de savoir compter. Au-delà des chiffres, les commentaires aident à rendre le personnage concret.
Capacité du personnage à :
· Soulever des poids importants,
· Lancer à grande distance,
· Sauter haut et loin,
· Frapper fort,
· Crier fort,
· Presser, tirer, retenir des masses,
· Courir, nager ou grimper vite,
· …
Exemples de commentaires : sportif, musculeux, faiblard, nul en gym, roi du rugby…
Capacité du personnage à :
· Résister à la douleur,
· Ne pas tomber malade,
· Encaisser les coups,
· Se priver de sommeil ou de nourriture,
· Guérir de ses blessures,
· Rester conscient,
· Résister au froid ou à la chaleur,
· Retenir son souffle,
· Maintenir longtemps un effort,
· …
Exemples de commentaires : souffreteux, tient bien l’alcool, santé de fer, frileux, bonne apnée…
Capacité du personnage à :
· Comprendre les rapports de cause à effet,
· Se souvenir avec précision,
· S’exprimer de façon structurée,
· Avoir une vaste culture générale,
· …
Exemples de commentaires : intello, bonne mémoire, incapable de se concentrer, illettré, orateur…
Capacité du personnage à :
· Garder son calme,
· Imposer sa volonté,
· Ne pas se décourager,
· Résister au lavage de cerveau, à l’hypnose…
· …
Exemples de commentaires : nerfs d’acier, influençable, têtu comme une mule, nerveux, imaginatif…
Capacité du personnage à :
· Voir / entendre / sentir des détails lointains ou discrets,
· Percevoir des contacts ou des goûts subtils,
· Etre sensible à la gestuelle ou à la voix des autres,
· …
Exemples de commentaires : binoclard, ouïe fine, artiste, daltonien, gourmet…
Capacité du personnage à :
· Etre souple,
· Réagir vite,
· Coordonner ses mouvements,
· Faire des acrobaties,
· Eviter les coups,
· …
Exemples de commentaires : bon danseur, empoté, roi du kung-fu, vif comme l’éclair, sujet au vertige…
Sur la feuille de personnage, chaque caractéristique est représentée par une icône symbolique, au cas où certains joueurs ne sauraient pas lire leur intitulé. D’une manière générale, on préférera remettre des personnages pré-créés aux joueurs plutôt que de leur faire créer leur personnage en début de partie.
Pourquoi ? Outre le gain de temps, mineur vu la simplicité du processus, on assure ainsi l’adéquation des personnages au scénario et donc l’équivalence des opportunités pour les joueurs. De plus, on affranchit les joueurs d’avoir à répartir des points dans les caractéristiques, avec les risques d’erreur de calcul et de tricherie pure et simple que cela comporte.
Un type en deux parties (professionnelle et individuelle) ;
18 points à répartir entre 6 caractéristiques notées de 1 à 5 :
Force Santé Intelligence
Mental Perception Agilité
Toute activité entreprise par un personnage donne lieu au lancer d’un seul dé à 6 faces classique. On utilisera de préférence des dés dont les chiffres sont marqués sous forme de points plutôt que sous forme de chiffres. De même, il est souhaitable d’avoir recours à une piste de dés (de type 421) pour effectuer les jets.
Pourquoi ? les dés à 6 faces sont la seule forme de dés bien connue du public (les autres ne sont généralement pas reconnus comme des dés lorsqu’ils sont découverts). Chacun en a utilisé, en possède, sait les lire, est familier de leurs échelles de valeurs… On évite ainsi toute sensation perturbante par manque de familiarité.
On ne jette qu’un seul dé pour éviter tout calcul (pas d’addition de valeurs), non seulement pour la fluidité de la partie, mais aussi pour éviter toute réaction de rejet ou de crispation de la part de publics rétifs à tout ce qui est peu ou prou mathématique. De même, on privilégie les dés à points au cas où certains joueurs ne sauraient pas lire les chiffres.
Enfin, la piste permet d’éviter toute contestation quant au résultat du jet (dés « cassés », tombés de la table…) de la part d’un public qui n’aurait pas perçu l’inanité de la tricherie en jeu de rôle.
De son côté, le meneur détermine la caractéristique dont dépend l’activité. Si le dé est inférieur ou égal à la caractéristique mise en jeu, l’activité est un succès ; s’il est strictement supérieur, elle est un échec.
Pourquoi ? la simple comparaison de 2 valeurs de faible ampleur plutôt qu’un calcul de différence est à la portée des moins éduqués dans le domaine des chiffres, là encore tant pour des raisons pragmatiques que psychologiques.
De ce fait, un 6 est toujours un échec (aucune caractéristique ne peut dépasser 5) et un 1 est toujours une réussite (aucune caractéristique ne peut être inférieure à 1).
En principe, toute activité de la vie courante, même un peu délicate (conduite acrobatique, bagarre dans un bar, orientation dans la nature…) peut être entreprise par n’importe qui. Des activités qui nécessitent un savoir-faire plus expert (pilotage d’avion, compétition d’arts martiaux, survie dans le désert avec des moyens de fortune…) ne peuvent être entreprises que par un personnage dont l’un des éléments du type ou le commentaire de la caractéristique concernée laissent entendre qu’il en est familier. C’est le meneur qui décide au coup par coup, sur des critères de vraisemblance et d’intensité dramatique, si un personnage peut tenter une activité.
Enfin, les personnages sont censés être des gens réalistes et non pas des héros de films d’action. Ils tressaillent quand ils entendent un coup de feu, sont sujets au froid et à la faim, ne savent pas faire de cascades, ne parlent pas toutes les langues et ne séduisent pas qui ils veulent d’un seul regard. Le but du jeu est de découvrir la réalité, pas de la fuir dans un fantasme idéalisé et bas de gamme.
De même, ils ne possèdent ni fortune hors du commun, ni véhicules spéciaux (avions privés, automobiles blindées, motos propulsées par fusées…), ni logements pharaoniques, ni armes à feu. Naturellement, chacun possède de quoi vivre, un véhicule standard (vélo, scooter, voiture familiale…) et peut le cas échéant avoir accès à des armes improvisées (outils de bricolage, couteaux de cuisine) ou à des armes à feu de loisir (fusil de chasse, carabine de tir à la cible…).
Bien sûr le meneur n’est pas obligé d’exiger un jet de dés pour toutes les actions. Son bon sens le guidera pour ce qui est des actions triviales (dont la réussite est automatique) ou foncièrement impossibles.
Jet d’un dé à 6 faces à comparer à la caractéristique appropriée.
Jet inférieur ou égal à la caractéristique : succès ; jet supérieur : échec.
Dans certains cas, le meneur peut décider en outre qu’un 6 est un échec particulièrement grave qui entraîne des conséquences narratives intéressantes (chute, blessure d’un allié, outils endommagés, accidents…) et qu’un 1 est une réussite particulière (spectaculaire, qui met plusieurs adversaires hors de combat d’une seule balle…). Cela ne doit pas être systématique, mais uniquement si le meneur a une idée qui enrichit la partie.
Dans des cas extrêmes et pour renforcer l’intensité dramatique d’une situation critique (ce qui est le rôle essentiel d’un jet de dés en pareil cas), on pourra décider que l’activité est difficile : le jet ne réussit alors que s’il est au moins de 2 (on relance les 1). Notamment, le meneur peut autoriser une activité complexe et pour laquelle un personnage ne semble pas particulièrement prédisposé, mais considérer l’activité comme difficile plutôt que d’interdire purement et simplement l’activité, ce qui remplace une frustration par du suspense.
Dans cette optique de maintenir une tension prolongée pour des actions longues ou en plusieurs séquences (escalade d’une haute paroi rocheuse, poursuite en voiture…), le meneur peut segmenter l’activité en faisant jeter les dés plusieurs fois. Il décrira chaque étape en fonction de la réussite. Il imposera un nombre de succès minimal pour atteindre la réussite complète. Inversement un échec signifie que l’action piétine (le personnage perd une prise, il est distancé par son concurrent…). Un second échec juste après le premier indique que la tentative échoue définitivement (chute dans le vide, accident de voiture…).
Par défaut, les personnages animés par le meneur ont un type défini implicitement par le scénario, qui peut d’ailleurs être encore plus schématique que celui des personnages des joueurs : s’ils se font contrôler par des gendarmes, pas besoin de perdre du temps à détailler pour chaque membre de la patrouille s’il joue à la belote, pêche à la mouche ou peint à l’aquarelle !
De même, on considérera qu’un personnage a en principe 3 dans toutes les caractéristiques, avec des commentaires qui, comme le type, sont implicites. Des personnages diminués (très jeunes, très âgés, handicapés…) peuvent avoir leurs caractéristiques à 2 ou moins. Enfin, on peut donner à un personnage, là encore en fonction de critères implicites, des points faibles (caractéristiques diminuées d’un ou deux points) ou des points forts (caractéristiques augmentées d’un ou deux points).
Le meneur pourra prendre la peine de créer des personnages importants ou récurrents avec le même niveau de détail que les personnages des joueurs.
Tout ce qui arrive au personnage est susceptible d’affecter ses caractéristiques en plus ou en moins, de façon en principe temporaire. Le temps permet de récupérer les points perdus et efface les points excédentaires, à un rythme choisi par le meneur, comme toujours dans une optique tant de réalisme que de tension dramatique.
De façon très générale, on peut estimer que :
- une perte d’un point correspond à une atteinte mineure pour le personnage. Cela constitue une gêne sensible, mais pas une menace mortelle dans l’immédiat,
- une perte de deux points est une atteinte significative : le personnage est durement affecté et gravement handicapé,
- une perte de trois points ou plus est une atteinte majeure : le personnage est très lourdement handicapé et, dans de nombreux cas, cela peut menacer physiquement ou psychologiquement son existence,
- un gain d’un point est un bonus mineur, assimilable à une amélioration sensible mais limitée des capacités du personnage,
- un gain de deux points est un bonus significatif qui correspond à une augmentation radicale du personnage, souvent clairement perceptible pour un observateur.
- un gain de trois points ou plus est un gain majeur, lié à une transformation fondamentale du personnage.
Les sources d’augmentation ou de réduction des caractéristiques sont infinies. C’est au meneur de décider, en fonction de l’influence que subit le personnage, quelle est la caractéristique touchée et l’ampleur de l’augmentation ou de la réduction. Ainsi, à titre d’exemples :
· un stimulant peut augmenter la Force d’un point, tandis qu’une maladie, la privation de nourriture ou une hémorragie peuvent l’abaisser d’un ou deux points. La qualité des soins reçus conditionne le rythme de récupération qui se chiffre en jours. A zéro, le personnage est alité, à peine conscient de son environnement. Il a des difficultés à s’exprimer et doit être nourri et lavé ;
· les coups, blessures, brûlures, chutes et le manque d’oxygène diminuent la Santé d’un (coup de poing), deux (couteau) ou trois (arme à feu) points (pour les explosifs, la mort est instantanée sauf raison narrative). La qualité des soins reçus conditionne le rythme de récupération qui se chiffre en jours ou en semaines. Des conditions d’alimentation et d’hygiène catastrophiques et prolongées ou la consommation intensive de drogue peuvent réduire définitivement la Santé de 1 ou 2 points. A zéro, le personnage est inconscient, en état de choc et mourra en quelques heures s’il n’est pas soigné ;
· le fait de pouvoir accéder à une bibliothèque extrêmement fournie (Internet ?) peut augmenter l’Intelligence d’un point pour une activité de recherche. Le manque de sommeil ou l’alcool peuvent la diminuer d’un point ou deux ; la récupération se fait en quelques heures, même sans soins particuliers. Un choc violent à la tête entraîne une réduction de 1 à 3 points selon l’impact, et ces pertes peuvent être définitives. A zéro, le personnage est en coma dépassé ou réduit à l’état de légume ;
· des techniques de méditation ou le recours à certains psychotropes (qui ont une influence néfaste sur l’Agilité, peut-être l’Intelligence et la Perception et à terme la Santé et la Force) peuvent ajouter un point de Mental. Des traumatismes psychologiques, la confrontation avec le surnaturel ou la pratique de la magie peuvent réduire le Mental de 1 à 3 points qui se récupèrent en quelques heures ou peuvent nécessiter des soins psychiatriques de plusieurs années. A zéro, le personnage est psychotique et doit être enfermé pour son propre bien ;
· des instruments d’optique ou d’acoustique peuvent augmenter la Perception d’un ou deux points. Une lueur éblouissante, un bruit assourdissant, une odeur agressive (ammoniaque…) peuvent entraîner une réduction de 1 à 3 points qui peuvent se récupérer en quelques minutes même sans soins ou être perdus définitivement ; éventuellement, le score initial peut être récupéré en totalité mais un sens être définitivement diminué ou perdu (mais les autres sens se développent pour compenser, d’où le score intact). A zéro, le personnage ne perçoit plus son environnement ;
· un encombrement excessif, l’influence de l’alcool ou de drogues peuvent réduire l’Agilité d’un à deux points. La récupération est instantanée ou se fait en quelques heures, même sans soins. Des lésions graves aux membres (accident de voiture, chute…) peuvent entraîner une réduction de 1 à 3 points qui prend des mois à se résorber et peut être pour partie définitive. A zéro, le personnage est paralysé et généralement inconscient ou du moins incohérent.
On notera que les fluctuations sont limitées (1 à 2 points en général) car les scores sont faibles au départ (3 en moyenne, 5 au maximum).
Lorsqu’un personnage est à zéro dans une caractéristique, non seulement il n’est plus en état d’agir, mais son état est critique : s’en remettre est plus difficile que simplement de regagner des points. Il faut des soins urgents sous peine de mort ou de séquelles définitives qui rendent le personnage inutilisable (lobotomie, tétraplégie, démence…).
C’est au meneur de déterminer les conséquences à long terme des réductions de caractéristiques : perte définitive d’un point, séquelles (surdité, claudication, perte d’un œil ou d’une main…) ou élimination du personnage.
Il appartient donc au meneur de veiller aux circonstances dans lesquelles ces événements se produisent, de façon à assurer qu’une chose aussi importante que la mutilation ou la mort d’un personnage ne se produise que dans des circonstances suffisamment dramatiques et pédagogiques pour la justifier.
A la fin de chaque scénario, chaque joueur choisit quelle caractéristique il souhaite essayer d’augmenter. Il lance un dé et, si le jet est supérieur à sa caractéristique, elle augmente d’un point (maximum 5). S’il est inférieur ou égal, rien ne se passe.
A titre exceptionnel, si le scénario a été particulièrement complexe et exigeant, ou si un joueur a fait preuve de qualités exceptionnelles (mais pas s’il a tiré la couverture à lui !), le meneur peut accorder l’augmentation de façon automatique, sans jet de dé.
L’univers est contemporain fantastique. Il s’agit du monde actuel, tel qu’il est, mais dans lequel, sans que la plupart des gens le sachent, se cachent des choses surnaturelles.
De cette façon, point n’est besoin de décrire un univers complexe : chacun n’a qu’à regarder autour de soi pour visualiser la structure sociale, le niveau technologique ou la situation géopolitique du monde.
En outre, le fait de jouer des personnages dans la force de l’âge et socialement intégrés peut constituer en soi un dépaysement significatif pour certaines populations de joueurs. Le meneur n’est pas obligé de se restreindre à un cadre strictement familier (la ville où habitent les joueurs), mais peut emmener les personnages dans des environnements différents (pays étrangers), en évitant les clichés tout de même. De fait, l’exotisme de contrées lointaines, de cultures étrangères, de civilisations historiques et de milieux sociaux différents est bien plus riche et plus facile à mettre en œuvre qu’un univers totalement imaginaire (sans compter que la découverte en est plus utile dans la vie quotidienne).
Enfin, la présence de phénomènes fantastiques permet d’introduire un élément de surprise et d’irréalité qui pimente le jeu et le rend plus attractif. Pour autant, le fond réaliste assure la présence de repères rassurants.
Concrètement, cela veut dire que les personnages vont être confrontés à des événements qui défient la raison, que ce soit dans le cadre d’un huis-clos oppressant, d’une enquête de type policier, d’une confrontation directe ou simplement d’une toile de fond discrète.
Pour autant, les personnages ne disposent au départ d’aucune connaissance particulière en la matière et d’aucune capacité paranormale. Il leur sera éventuellement possible, au gré du meneur et de façon exceptionnelle, d’obtenir des informations théoriques sur les phénomènes auxquels ils sont confrontés ou de s’initier à des rituels ésotériques susceptibles de leur venir en aide.
Veillez toutefois à limiter au maximum leurs informations à ce qu’ils comprennent de leurs expériences directes, de façon à laisser au surnaturel son statut mystérieux et à obliger les joueurs à en triompher par leur ingéniosité plutôt que par une course à la puissance.
De même, il n’est pas souhaitable de multiplier les effets spéciaux spectaculaires devant de multiples témoins, sinon ce n’est plus l’univers du quotidien, mais un univers lourdement fantastique. Quelques exemples de phénomènes surnaturels auxquels les personnages peuvent être confrontés sont :
· des coïncidences qui s’expliquent rationnellement mais dont l’accumulation est troublante,
· des créatures non répertoriées par la biologie, intelligentes pour certaines,
· des objets ou créatures qui font preuve de propriétés anormales (résistance, composition chimique, mode de déplacement, influences à distance…),
· des transformations physiques,
· des phénomènes sonores, thermiques ou lumineux sans source repérable,
· l’intrusion d’un univers imaginaire (rêve, fiction…) dans la réalité,
· la rencontre avec des individus morts,
· des personnes qui semblent faire preuve de capacités surhumaines ou être capables d’influencer leur environnement à volonté,
· des indices qui remettent en cause l’histoire ou la biologie telles qu’elles sont généralement comprises,
· …
De cette façon, le meneur peut recycler tous scénarios de jeux fantastiques contemporains de son choix ou adapter des œuvres de fiction littéraire, cinématographique ou télévisuelle, sans avoir besoin de faire référence à un paradigme particulier. Le but du jeu n’est pas de découvrir le fin mot de la réalité, mais de résoudre à chaque fois la confrontation avec le surnaturel sans pour autant devenir soi-même anormal ou monstrueux.
Par ailleurs, puisqu’il s’agit d’un univers réaliste, il convient de se garder des conventions du grand spectacle :
· très peu de gens savent se servir d’une arme, et quasiment personne n’en possède,
· tout le monde a besoin de nourriture, de sommeil et de confort psychologique,
· le recours à la violence est risqué et socialement mal accepté, donc il constitue rarement une bonne idée,
· toutes les actions, dans un monde moderne où les lois sont claires et où l’information circule, ont des conséquences auxquelles il est difficile d’échapper,
· …
De cette façon, on évite de donner une caution de réalisme à une vision biaisée de la réalité dont les médias nous abreuvent déjà suffisamment.
Ce texte constitue à peine un jeu puisqu’il lui manque un univers de référence détaillé et un ton spécifique. C’est plutôt une trame, un cadre expérimental à utiliser à votre gré pour amener au jeu de rôle des populations qui sont aujourd’hui privées d’activités concourant à leur développement personnel et, ce faisant, démontrer que telle est bien la raison d’être du jeu de rôle.
Puissiez-vous en faire bon usage.