Univers de jeu (3.5)

La magie terrestre

Les Contextes terrestres contiennent des traces de Glamour, en quantité infinitésimale par rapport à Féerie, vestiges de l'Age d'Argent. Ces traces, qui alimentent le niveau d'Imaginaire ambiant et subsistent grâce à lui, sont ce qui permet aux Féeriques d'utiliser leur magie sur Terre.

Mais certains Terrestres ont développé des techniques leur permettant de manipuler ces traces résiduelles pour altérer la réalité. Toutefois, n'étant pas, à la différence des Féeriques, des êtres de Glamour eux-mêmes et n'ayant pas disposé d'une éternité de pratique, leur magie est nettement plus limitée dans ses effets, incertaine dans ses conséquences et complexe dans sa mise en oeuvre que les dons naturels des Féeriques. Sans parler du fait que la magie est quasi-systématiquement colorée d'ésotérisme qui brouille largement la compréhension des phénomènes réels...

Tout acte magique humain se fait en deux temps :

·       l'accomplissement d'un « rituel ». Bien souvent, la plupart de ses éléments sont purement cosmétiques, issus de la tradition, conséquences des systèmes de pensée qui visent à interpréter les effets obtenus, ou destinés à impressionner le profane. Mais ceux qui fonctionnent réellement plongent l'officiant dans un état altéré de conscience. A cet effet, ils recourent généralement à des éléments comme la transe, la drogue, le sexe, la méditation, la glossolalie, la danse, la musique... L'effet en est d'accroître localement l'Imaginaire, donc le Glamour. Dans les cas extrêmes, un Point de Contact s'ouvre : l'officiant « communie avec l'Autre Monde », « franchit les Sephiroth », « est chevauché par les Loa », mais dans tous les cas, le pic temporaire d'Imaginaire s'accompagne d'une montée en flèche du taux local de Glamour, d'autant plus importante que le pic d'Imaginaire est marqué ;

·       l'exercice de la volonté du magicien sur ce Glamour pour restructurer le réel. Les effets possibles sont limités par les croyances du magicien et par le Glamour disponible.

Il est à noter que ces informations ne sont généralement pas connues par les mages eux-mêmes, qui croient « invoquer les esprits », « laisser s'exprimer leur étincelle divine », « supplier l'Esprit Saint d'intervenir », « employer le charme octroyé par le Prince des Ténèbres » ou « faire appel au potentiel psionique de leurs gènes atlantes » et prennent allègrement le rituel, qui n'est nécessaire que du fait de la pauvreté naturelle de la Terre en Glamour (mais c'est ce qui permet à la physique, à l'histoire et à la biologie d'avoir un sens !) pour l'acte magique en tant que tel, alors que la magie consiste simplement à exprimer son désir et à laisser le Glamour s'écouler... Par ailleurs, le rituel n'étant qu'un accumulateur de pouvoir, n'importe quel rituel peut être utilisé pour n'importe quel effet : du moment que le magicien délire, il peut faire n'importe quoi. Mais ses croyances colorent ses capacités et son imagination sera surtout stimulée par certains couples rituel/effet recherché : un houngan vaudou ne se croira pas capable de guérir un animal sans invoquer Damballah ou de maudire quelqu'un sans le blesser en effigie. Quelques individus éclairés ont fini par entrevoir cette décorrélation entre rituel et effet produit, ce qui ne les a pas nécessairement empêchés d'échafauder des théories échevelées quant au pourquoi.

De fait, le rituel n'a nul besoin d'être formalisé. Des sentiments intenses, l'inspiration artistique, une situation de jeu sont susceptibles, dans des cas extrêmes, de stimuler suffisamment l'Imaginaire pour que des effets magiques se produisent selon la volonté inconsciente des Terrestres présents. D'où cette impression que la fortune sourit aux amoureux, que la haine peut blesser ou qu'on peut affecter le jet d'un dé en y croyant assez fort... Ceux qui ont compris que c'est en prenant leurs désirs pour la réalité, pour peu que ces désirs soient sains et sans arrière-pensée, que le monde se plie à leurs désirs sont mûrs pour aller faire un tour en Féerie...

En termes de jeu, un magicien est n'importe quel humain à la tournure d'esprit assez intéressante pour que certains rituels puissent jouer pour lui un rôle authentique de collecte d'Imaginaire. Cela se traduit par l'existence de 2 Aspects supplémentaires : la Sensibilité (susceptibilité de l'imagination du mage aux sollicitations des rituels) et la Thaumaturgie (capacité à imposer consciemment sa volonté à l'ordre du monde).

A moins qu'il ne soit pas conscient de faire de la magie et attribue les événements étranges qui se produisent parfois à la chance ou à des coïncidences, il possède généralement en outre des connaissances étendues des différentes traditions dont il se réclame (kabbale, alchimie, taoïsme, syncrétisme afro-carribéen, hermétisme, thélémisme, chaosisme, néo-paganisme, satanisme...) : ceux dont les pratiques produisent authentiquement des effets ne sont pas nécessairement des gens éclairés, mais ce ne sont pas des charlatans ! Puisque leurs rituels stimulent effectivement leur Imaginaire au point d'enchanter le monde autour d'eux, ce sont des gens qui aiment ce qu'ils font et y croient avec sincérité. Ces compétences ne jouent d'ailleurs qu'un rôle marginal en suggérant, via un jet d'Intellect + Compétence, des éléments à intégrer dans les rituels qui soient particulièrement juteux en termes de pouvoir magique obtenu: période de l'année, conjonctions astrales, pureté rituelle, sacrifices, lieu consacré...

Le magicien commence donc par faire un jet de Sensibilité + une compétence qui résume le rituel pratiqué, modifié par le niveau d'Imaginaire ambiant (plus il est bas au départ, plus il est difficile de l'augmenter suffisamment pour collecter du Glamour). Tout est possible en matière de Compétence : accoutumance au peyotl, dessiner mandala, méditation, cérémonial rosicrucien... L'adéquation entre la tradition suivie et le rituel utilisé donne un modificateur au jet. Le résultat est le potentiel magique du sortilège qui en conditionne la durée, la portée, l'étendue et l'intensité. S'il est insuffisant pour obtenir les effets recherchés, des effets partiels se produisent. S'il est excessif, des effets démesurés et éventuellement gênants se produisent (sortilège de guérison qui transforme son bénéficiaire en hercule qui ne maîtrise pas sa force...). Il est à noter que tout rituel prend un certain temps et n'est pas discret. La magie ne peut donc se pratiquer en pleine rue et de façon improvisée. Du moins pas consciemment...

L'esprit humain est mis à rude épreuve par ce dépassement forcé de ses capacités naturelles (sans parler du fait que certains rituels sont extrêmement éprouvants). Tout rituel effectué ultérieurement ne produira de potentiel magique que s'il excède celui produit par le rituel le plus puissant précédemment effectué, et la valeur de ce potentiel sera réduite aux points en excès. Ce passif s'apure à raison d'un point par jour passé sans effectuer de rituel. Pour cette raison, certains mages se donnent volontairement des malus à certains rituels destinés à produire des effets peu puissants.

Ensuite, le magicien effectue un jet de Thaumaturgie, modifié par l'Imaginaire initial (maintenant qu'il a accumulé du Glamour, la réalité ne s'oppose pas moins à cette modification contre-nature). L'adéquation entre les effets recherchés et le rituel utilisé donne un modificateur au jet. S'il est inférieur au potentiel magique, les effets ne sont pas contrôlés (d'autant moins que la marge est importante) et ont toutes sortes de conséquences imprévues, dans les limites du potentiel obtenu. S'il est supérieur, le sortilège fait ce que le magicien souhaite, avec d'autant plus de finesse que la marge est importante, mais dans les limites du potentiel obtenu.

Les Croyances locales (voir chapitre suivant) jouent sur la magie : si des superstitions locales attribuent des vertus favorables ou défavorables à la magie à certains lieux, moments, substances, personnes, ces éléments accordent des modificateurs aux rituels pratiqués. Naturellement, les traditions magiques pratiquées et les superstitions en vigueur concernant la magie chez les non-initiés sont dans une relation dialectique complexe : les mages désinforment les profanes, qui imaginent des choses qui finissent, lorsqu'ils y croient assez fort, par devenir vraies...

De même, des liens complexes sont tissés entre la foi et la magie. La plupart des traditions magiques comportent une composante de mysticisme de type religieux. Pour autant, beaucoup de religions condamnent la pratique de la magie comme une marque d'irrespect pour le divin, ou comme trop sacrée pour être pratiquée dans un contexte non sacerdotal. Donc les individus qui développent une foi authentique ont rarement tendance à pratiquer la magie, même s'ils ont d'autres capacités à influer sur le réel et si certains prêtres (les druides, par exemple) se livrent dans le cadre de leur culte à des pratiques magiques.

Quant aux magiciens eux-mêmes, ce sont des gens suffisamment obsédés par ce qu'ils font pour être de bons candidats au développement de la foi, mais elle affecte la pratique de la magie, ce qui conduit beaucoup de magiciens à une attitude détachée et cynique vis à vis de la religion. En pratique, le fait d'avoir la foi procure des modificateurs aux jets de Thaumaturgie, égaux à une fraction du score de Foi du magicien croyant. Le signe et l'importance du modificateur sont liés à l'adéquation entre la nature de la foi, le rituel pratiqué et l'effet attendu. Cela peut donc orienter significativement la magie pratiquée par le croyant...

Précisons que les soi-disant « entités ultraterrestres » invoquées par les mages de certaines traditions incantatoires ne sont pas de véritables êtres animés. Il s’agit en général de construits psychiques faits du Glamour rassemblé par le rituel et animés par la volonté du magicien (volonté plus ou moins consciente, d’où les sombres histoires d’invocateurs dévorés par le démon qu’ils ont inconsidérément dérangé : en fait les tragiques conséquences des tendances suicidaires refoulées de l’invocateur…). Ces entités artificielles sont généralement appelées égrégores par les ésotéristes et leurs capacités se calculent selon les mêmes règles que pour celles que les Féeriques peuvent susciter par Influence.

Toutefois, il peut arriver qu’un rituel thaumaturgique matérialise un authentique Féerique. C’est rarissime, et le plus souvent ce n’est rein de plus qu’une conséquence fortuite d’un rituel qui se trouve avoir suscité un tel pic d’Imaginaire qu’un Point de Contact s’est ouvert et a aspiré des Féeriques qui se trouvaient dans un Domaine aux Correspondances cohérentes avec le rituel. Il semble que ce soit marginalement plus fréquent lorsque les effets recherchés par le rituel sont justement l’invocation d’un être, a fortiori si les spécificités de l’être recherché rappellent les Attributs des Féeriques invoqués.

Mais faire venir réellement un certain Féerique nécessite de connaître son Nom et d’ouvrir un Point de Contact selon un rituel ad hoc ciblé sur le Féerique recherché. C’est donc en pratique réservé aux exceptionnels Terrestres qui connaissent quelque chose de la vraie nature des Féeriques, qui ont déjà rencontré le Féerique en question, ou qui sont tombés sur les notes d’un prédécesseur qui avait ces connaissances (sans pour autant d’ailleurs savoir eux-mêmes de quoi il retourne : comment distinguer des informations sur un vrai Féerique au milieu des charlataneries des dictionnaires occultes ?) Naturellement, la probabilité d’erreur sur la personne est forte, avec des conséquences plus ou moins amusantes…

De même, certains rituels visent à la création d’êtres artificiels, analogues des Enchantements féeriques. Leurs capacités techniques dépendront toujours du potentiel magique du sortilège, et généralement il faudra des potentiels très élevés pour obtenir quelque chose de significatif. Selon la tradition utilisée et l’humeur du meneur, ces capacités pourront être calquées sur celles des Enchantements (le Glamour étant celui accumulé par le rituel et non la substance même du magicien ; leurs Attributs dépendent donc uniquement des caractéristiques du rituel) ou sur celles des Terrestres, avec éventuellement des capacités surnaturelles à traiter comme les capacités innées des animaux (Pouvoirs sans Essence) ou comme des Attributs Dépouillés à un Féerique. Il ne s’agit en aucun cas de Féeriques, même si des êtres aussi riches d’Imaginaire peuvent éventuellement le devenir lorsqu’ils sont détruits.

Enfin, la magie terrestre permet d’ensorceler des objets. Il peut s’agir d’éléments cosmétiques du rituel (sacs médecine ou voults à dissimuler chez la victime, athames consacrés avec lesquels saluer les 4 orients, cristaux à scruter…) dépourvus par eux-mêmes de capacités autres que celles de stimuler l’imaginaire du magicien, mais il peut également s’agir du produit fini du rituel lui-même. Il s’agira alors en général d’objets dont les caractéristiques techniques usuelles sont améliorées (armures à l’encombrement réduit ou à la protection accrue, lames aux dommages ou à la maniabilité renforcés, projectiles à la portée augmentée…), ou plus rarement d’objets dotés de propriétés exotiques calquées sur celles des Accessoires féeriques. Eventuellement, les capacités de ces deux types d’objets ne seront actives que dans des circonstances précises (face à tel type d’adversaire, à tel moment de la journée / telle période de l’année, dans tel lieu, aux mains de tel utilisateur, à telles fins…) voire uniques (l’objet ne peut être utilisé qu’un nombre limité de fois ou dans un cas unique et non reproductible).

 

 

Précédent (Les Féeriques sur Terre) / Suivant (Les Croyances et l’Imaginaire)

 

Tous droits réservés Imaginez.net© - Aucune reproduction partielle ou totale sans l'accord écrit préalable des auteurs.