Univers de jeu (2.3)

Le temps et l’espace dans Féerie

Le temps dans Féerie

Le temps dans Féerie ne peut se découper en minutes ou en heures. Ce n’est pas exactement que le temps ne s’écoule pas. Certains humains en font l’amère expérience lorsqu’ils ont passé une journée en Féerie et que cent années se sont écoulées sur Terre. Simplement, les notions de découpage du temps sont complètement étrangères aux êtres-fées qui sont proprement éternels, sans naissance, évolution, vieillissement ni décès. Certes, la vie féerique est plus ou moins rythmée par les cycles de la nature. Ainsi les journées et les nuits, les saisons donnent une certaine cadence. Mais ces cycles n’ont pas forcément une durée identique partout dans Féerie, ni même une durée régulière dans un Domaine donné puisqu'ils sont définis de façon indépendante dans chaque Domaine par le Féerique qui en est le maître (et qui peut les modifier à volonté, voire s'en dispenser totalement). Certains lieux sont baignés dans une nuit éternelle, alors que d’autres connaissent un été sans début ni fin. Il est par conséquent très difficile de prendre rendez-vous en Féerie. Au mieux peut-on prendre pour référence un phénomène naturel local, en espérant que le propriétaire du Domaine ne va pas trop en modifier le rythme dans l’immédiat. Le temps qui passe n’est pas rythmé par l’environnement mais par les Féeriques eux-mêmes.

L’espace dans Féerie

L’espace n’a pas de prise sur Féerie. La notion de lieu est plutôt à rattacher à celle « d’environnement » qu’à celle « d’endroit repéré dans l’espace » puisque Féerie n’est qu’un juxtaposition de Domaines. On peut se considérer dans un même Domaine tant que les caractéristiques générales de l’environnement n’ont pas trop changé. Cette définition est très vague ; c’est normal. Une forêt peut parfois être considérée comme un Domaine unique, alors que deux quartiers d’une ville peuvent être suffisamment différents pour être deux Domaines différents. C’est le principe d’Influence qui gouverne la nature de l’environnement. Les paysages de Féerie ne sont que les reflets de leurs habitants. Chaque habitant de Féerie modèle son environnement par son caractère, ses désirs et ses goûts.

Les Domaines féeriques

Toute région de Féerie n'est, comme tout élément de ce monde, qu'une extension directe d’un Féerique. Le Glamour qui compose ce lieu est une partie du Glamour du Féerique. C’est le Domaine de cet être-fée, qui prend la forme d’une Affinité. Les Domaines féeriques sont en quelques sortes les propriétés privées des êtres-fées, des régions de Féerie où un Féerique est chez lui. Il est en complète harmonie avec l’environnement, son Influence y est très grande et sa puissance y est considérablement accrue. Il est très dangereux de s’attaquer à un être-fée dans son Domaine, puisque son niveau d’Affinité s’ajoute en bonus à toutes ses activités.

Un Féerique ne vit pas forcément seul dans son Domaine. En plus des Emanations dont il a pu le peupler, il peut le partager avec d’autres êtres-fées.

Mise en commun d’un Domaine

Un Domaine n’est pas forcément une région réservée à un seul Féerique. Plusieurs Féeriques peuvent avoir une Affinité pour le même Domaine. Ils peuvent y vivre en bonne entente ou alors être en lutte constante pour prendre le pouvoir total.

Chaque Féerique bénéficie des mêmes avantages liés à cette Affinité dans le Domaine, selon son propre niveau d’Affinité. La richesse du Domaine est fixée par le total des Affinités qui y sont attachées. Les propriétés du Domaine sont décidées par chaque Féerique qui peut attribuer ses points d’Affinités comme bon lui semble. Il est le seul à bénéficier des avantages liés à ces propriétés. L’apparence du Domaine est fixée par chacun au prorata de son nombre de points, mais ceux qui partagent un Domaine en bonne entente se mettent souvent d’accord sur un environnement plus ou moins harmonieux.

Domaines voisins

Tous les Domaines qui ont des Correspondances en commun sont, de fait, adjacents puisqu'il suffit d'évoquer peu de Correspondances pour se rendre de l'un à l'autre. Toutefois, certains Domaines nouent des relations qui dépassent la simple coïncidence de leurs Correspondances. Ainsi, le bosquet d'une Dryade peut comporter une cabane, à titre décoratif. Un Ogre peut avoir pour Domaine une cabane tapie au fond des bois (avec ou sans écureuils sur le seuil). Si chaque fois que l'Ogre va cueillir des baies dans la forêt, il prend l'habitude que ce soit dans le bosquet de la Dryade, cela crée une situation de voisinage de fait : tout se passe comme si la cabane du bosquet était le Domaine de l'Ogre, inclus dans celui de la Dryade, alors qu'en réalité il s'agit de deux univers parallèles mais conceptuellement assez compatibles pour que le passage de l'un à l'autre se fasse imperceptiblement.

La Dryade peut lutter contre les déprédations de l'Ogre, lui faire payer ses baies en Services (« recrache les graines pour que ça repousse »), passer un Pacte (« j'Influence les groseilliers pour qu'ils poussent plus drus, mais défends mon bosquet contre les braconniers »), ils peuvent devenir amis, se Scinder l'un au profit de l'autre d'une part de leurs Domaines respectifs (ça s'appelle un mariage...), bref nouer des relations privilégiées de voisinage. C'est un cas très courant en Féerie.

Notons que le fait de cueillir les groseilles (ou de graver ses initiales sur un tronc) est une activité « en contexte » qui ne nécessite ni jet de dés ni dépense d'Essence. Tout comportement naturel dans le type d'environnement que représente un Domaine est ainsi toujours une activité gratuite. Changer les propriétés de l'environnement de façon plus significative (dresser un des moineaux qui volettent de-ci de-là, colorer un rocher en rouge), en revanche, nécessite une Influence. Enfin, toute altération de type destructeur (faire éclater les rochers, abattre les arbres) nécessite que des Dommages soient infligés au Domaine.

« Distance » entre deux points

Les distances n’existent pas en Féerie. En fait, les êtres-fées étant éternels, ils se préoccupent rarement du temps et de la distance lorsqu’ils se déplacent. On peut toutefois noter quelques tentatives éparses pour donner à Féerie un semblant d’unités de longueur. Certains Féeriques ont tenté de mesurer les distances en tartes aux pommes : une tarte aux pommes désignant la distance que l’on peut parcourir en ayant mangé une tarte aux pommes et sans avoir un petit creux ensuite. Inutile de vous dire que cette mesure dépendait fortement du Féerique concerné. Certains n’aimant pas la tarte aux pommes tentèrent l’expérience avec du far breton. D’autres tentatives (jet d’arbres, crachat de noyaux d’abricots...) n’eurent pas plus de succès. D’après les annales, c’est Hermalius, le Grand Arpenteur du Haut-Roi, qui s’en rapprocha le plus. Après avoir « emprunté » un mètre pliant dans le Royaume Terrestre, il entreprit de mesurer la taille du grand hall du Haut-Château. Malheureusement, il abandonna l’expérience après avoir manqué de s’étrangler avec le mètre qu’il tentait de déplier. Il parvint malgré tout à définir deux types de distances : les longues distances et les courtes distances. Les longues distances sont à prendre en considération pour les longs voyages, où le Domaine de départ est différent de celui d’arrivée. On parlera dans ce cas plutôt de changement d’environnement que de déplacement. Les courtes distances concernent les déplacements au sein d’un même Domaine.

Les longues distances

On ne se déplace pas dans Féerie comme on se déplace sur Terre. La notion d’espace géographique n’existe pas plus que celle de déplacement physique. Pour changer de Domaine, un Féerique modèle son environnement pour qu’il ressemble au lieu qu’il souhaite atteindre.

Les Correspondances

Les Correspondances sont aux lieux ce que la Manifestation est aux êtres-fées. Chaque Domaine de Féerie peut se décrire par ses Correspondances. Elles décrivent son aspect général (forêt, village, source...). Dans ce cas la Correspondance est simplement un terme descriptif du lieu. Mais il existe une quantité de tels lieux dans Féerie (à vrai dire une infinité, ce qui reste beaucoup, même pour un être-fée). Pour aller dans un Domaine bien précis, il faut connaître ce qui le différencie des autres. Chaque environnement est caractérisé par des symboles qui lui sont propres, ces symboles sont représentés par les Correspondances. Dans ce cas les Correspondances peuvent être plus subtiles qu’un simple mot. Elles peuvent être un concept abstrait, un objet ou une action à réaliser.

Vite, un exemple : deux tours peuvent être un symbole évident pour le Château aux Deux Tours de Sire Didimus. S’il a pour emblème héraldique un dragon vert, on peut évoquer cette Correspondance pour se rapprocher du lieu désiré.

Pour trouver le Domaine de Robin Goodfellow, on peut aller dans un bois et faire une fête avec concours de tir à l’arc, ou encore transporter une grosse somme d’argent sur les ordres du shérif local, toutes choses qui évoquent des Correspondances propices à rencontrer Robin (en fait il se trouve par hasard que le bout de forêt dans lequel on se livre à toutes ces réjouissances est justement celui où se cachent Robin et sa bande de joyeux compagnons).

Sur les routes

Connaître les Correspondances d’un Domaine permet de se rendre dans cet endroit. La proximité d’un Domaine à un autre est déterminée par les lois des Correspondances : ce qui est semblable est proche, ce qui se ressemble s’assemble. Il est facile de se rendre dans un Domaine similaire à celui que l’on quitte et au contraire, très difficile d’aller dans un Domaine radicalement différent. Pour se rendre d’un Domaine à un autre il faut passer par des environnements qui sont au début semblables au Domaine de départ pour se transformer peu à peu et finalement ressembler au Domaine d’arrivée. La longueur d’un voyage ne se compte pas en temps mais en nombre d’étapes entre les deux points. Cette démarche s’apparente quelques fois à un déplacement physique : pour se rendre de la rase campagne dans un château, il faut passer dans des villages, puis des faubourgs, puis une entrée de château et enfin dans le château lui-même. L’environnement a évolué d’un lieu sauvage vers un lieu de plus en plus habité et construit, et d’une architecture rustique à celle plus complexe et artificielle du château. Il est toujours très facile de se rendre dans un environnement générique, comme une forêt, près d’un lac, dans un village... se rendre dans un endroit bien précis peut poser plus de problème, car il faut connaître ses Correspondances.

La connaissance des Correspondances d’un lieu est plus ou moins répandue selon sa fréquentation. Certaines personnes cherchent à cacher à tout prix les Correspondances de leur Domaine. Ainsi, telle chaumière se différencie des autres par les oiseaux qui y font leur nid, les fleurs sur le balcon, la musique qui émane des fenêtres entrouvertes... Ceux qui ne la connaissent que vaguement risquent d'aller déranger les habitants de pas mal de chaumières avant de tomber sur la bonne. Le meneur de jeu n’a pas à déterminer quelles sont toutes les Correspondances d’un Domaine. A partir du moment où il a une description du lieu, les Correspondances viennent naturellement. Ce sont les éléments les plus en rapport avec ce Domaine.

La longueur d’un voyage ne se détermine pas en distance en Féerie. Elle se mesure dans la différence entre le Domaine de départ et le Domaine d’arrivée, c’est-à-dire dans le nombre de Correspondances différentes qu’il existe entre ces deux Domaines. Chaque Correspondance qu’il faut modifier, faire apparaître ou faire disparaître pour se rapprocher de son but constitue une étape. Chaque étape est liée à une Correspondance donnée, et cette Correspondance ne peut servir qu’à une seule étape.

Le nombre d’étapes à franchir est donné par la différence entre le Domaine de départ et le Domaine d’arrivée.

Arrivée et départ

nombre d’étapes

exemple

très semblables

2

deux forêts

analogues

4

une forêt de pins et une jungle

sans rapport

8

une forêt et une ville fortifiée

de natures opposées

16

une forêt montagnarde et un désert

Évocation des Correspondances

Pour avancer d’une étape, un Féerique doit évoquer des Correspondances de son lieu d’arrivée. S’il est seul, il suffit qu’il pense à ces Correspondances ou qu’il réalise les actions nécessaires. Si plusieurs Féeriques veulent voyager ensemble, ils choisissent un guide. Son rôle sera d’évoquer les Correspondances pour tout le groupe.

En termes de jeu, le joueur qui guide doit décrire à la table comment il imagine le voyage et introduire dans son récit les Correspondances qu’il souhaite évoquer. Chaque étape doit donner lieu à un récit et constitue une Scène : description des paysages traversés et des incidents de voyage. Le joueur peut décider de brûler les étapes en évoquant plusieurs Correspondances en même temps (i.e. au sein d'une même Scène), mais le voyage doit être d'autant plus périlleux que le nombre d'étapes cumulées est important (les marches forcées sont plus éprouvantes et plus fertiles en événements). Il peut ainsi introduire des intrigues secondaires, des rencontres amicales ou hostiles, des obstacles à franchir (gués sur des torrents, escalade de parois à pic...), des incidents climatiques... Plusieurs joueurs peuvent se relayer dans le rôle de guide dès la fin d'une Scène. Ils peuvent même se piquer au jeu et introduire des détours superflus !

Lorsque certaines des Correspondances évoquées constituent des Affinités pour le guide (c'est notamment le cas pour les Domaines), leur évocation est considérée comme gratuite, c'est à dire que le cumul au sein d'une même Scène d'autant de Correspondances que la somme des scores d'Affinités mis en jeu ne nécessite pas de complexité narrative particulière.

Le meneur de jeu peut intervenir quand il le veut pour corriger le joueur s'il estime que le récit n'est pas assez inventif, ou pas assez mouvementé au vu du nombre d'étapes franchies d'un coup. A lui d'être d'autant plus exigeant que le joueur est ambitieux... Il peut aussi pérenniser dans son scénario des péripéties introduites par le guide s'il les juge intéressantes. Pour autant, le meneur en titre reste garant de la cohérence du scénario originel et il peut à tout moment (ou si les joueurs n'ont pas d'idées) reprendre la main sur la gestion des événements du voyage, même au milieu du récit d'un joueur.

Conseil des concepteurs : Le système que nous proposons vise à permettre à des joueurs motivés de se substituer au meneur le temps d'un périple, d'exercer leur capacité d'improvisation (et de gagner éventuellement un peu de Glamour pour leur personnage si les scènes sont mémorables). Pour autant, personne ne doit se sentir obligé de rajouter problème sur problème pour une simple balade. Ces digressions ne sont intéressantes que si elles sont... intéressantes. Elles ne doivent pas noyer l’aventure et les joueurs en plein lyrisme ne doivent pas oublier que le meneur de jeu à sûrement lui aussi une idée derrière la tête (enfin... avec un peu de chance). Il faut que tous les joueurs puissent participer à la narration du guide. Le meneur de jeu ne doit pas trop se sentir dépassé par les événements. Si ce dernier le souhaite, il peut simplement abandonner la description d’un voyage et dire : « vous arrivez sans encombre à votre destination ».

Si les Correspondances utilisées ne sont pas les bonnes, il est possible de se retrouver dans un autre lieu que celui désiré. Ce lieu est toujours en relation avec les Correspondances évoquées, mais ce n’est pas forcément une surprise agréable. La plupart du temps, les déplacements dans Féerie se font sans trop de problèmes. Tant que les personnages vont dans des Domaines (bien) fréquentés et dans des zones « civilisées », il n’est pas nécessaire de développer le voyage. Les déplacements peuvent en revanche être critiques lorsqu’ils doivent se faire le plus vite possible. Il est alors facile de réfléchir un peu trop vite, et de se perdre dans un lieu inconnu et hostile.

Il est parfois possible de se passer des Correspondances pour changer de Domaine, grâce au Talent magique de Voyage (voir chapitre sur la magie).

De mauvaises habitudes

Par mimétisme avec les Terrestres, les êtres-fées ont pris l’habitude d’utiliser un moyen de déplacement (i.e. de marcher, de voler ou de chevaucher) pour changer de Domaine. Théoriquement (cf. thèse de doctorat du Gnome Hermalius, Grand Arpenteur du Haut-Roi « De l’usage des cigognes comme transport en commun »), il n’est pas nécessaire de le faire. Toutefois, l’usage étant la règle en Féerie, tout voyage se fait généralement par déplacement : on avance et le décor change. De même, on peut considérer, à quelques approximations près (cf. ibid., op. cit.), que les lois de l’espace à trois dimensions du monde terrestre sont valables au sein d'un même Domaine (i.e. pas besoin de Correspondances pour se déplacer de quinze pas, il suffit de mettre un pied devant l’autre et de recommencer sur environ quinze pas).

Mesures des distances

Dans un même Domaine, les Féeriques n’ont pas l’habitude de parler de distances. Seuls les plus agressifs parlent de « jet de pierre ». Toutefois, pour caractériser la distance entre deux points quand il le faut bien, ils emploient la notion de taille apparente : comme sur Terre, plus une chose est loin, plus elle est petite. Comme les tailles des Féeriques sont très variables, cela ne résout pas toujours le problème, mais en général, ça marche assez bien. D’où le dicton Gnome : « Je ne suis pas gros, je suis tout près ».

 

 

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