Univers de jeu (2.5)

Biens matériels en Féerie

La notion d'objets indépendants, de matière inerte, est étrangère au monde de Féerie. L'environnement dans Féerie est le produit des différentes consciences qui y habitent. Dans ce monde modelé par ses habitants, toute chose est composée de Glamour et est le produit de la volonté d'un être-fée. Les arbres d'une forêt sont créés par la Dryade dont elle est le Domaine ou, dans le cas d'un Domaine partagé, par tous les habitants du bois. Ce sont eux qui modèlent inconsciemment toutes les choses qui s'y trouvent. L'environnement est alors le résultat d'une sorte de consensus (il faudrait plutôt dire d'un équilibre des forces en présence) entre les désirs des différentes créatures locales, et émane d'une sorte d'inconscient collectif.

D’une manière générale, les propriétés physiques des matériaux sont identiques à celles de leur équivalent terrestre : le bois brûle, l’eau mouille et s’évapore, le métal est rigide et froid, etc. Seule une propriété de Domaine peut conférer localement des facultés non standard aux matériaux : feu naturellement vert, neige tiède qui ne fond pas… Si l’effet est sans conséquences en termes de jeu, le fait de le préciser dans les Correspondances du Domaine est suffisant. En particulier, les matériaux résistent comme le feraient des matériaux terrestres : sauf Pouvoir approprié, il est donc inutile voire dangereux de frapper les rochers à mains nues (sauf restriction de type fragilité), de mordre l’écorce des arbres et de boire la lave en fusion (sauf Correspondance spécifiant que le Domaine est mou ou comestible, le personnage sottement agressif s’inflige à lui-même, outre toute propriété de milieu hostile, les Dommages de son attaque). Quant à essayer d’enflammer un nuage ou de frapper de sa lame la surface d’un lac en espérant endommager le Domaine, c’est, au sens propre, un coup d’épée dans l’eau, à moins, bien sûr, d’une restriction du type vulnérabilité.

On notera, par rapport à la situation de référence qui est identique à celle de la Terre, la très grande variabilité des lois physiques qui régissent les Domaines (Correspondances, propriétés, restrictions) et les Féeriques (Pouvoirs, Influences, sortilèges). En pratique, tous les cas imaginables sont possibles lorsqu’un individu est confronté à un environnement, et l’enfer des uns est l’éden des autres.

Les objets féeriques se comportent à bien des égards comme les objets terrestres. Ils peuvent être échangés, donnés, volés... De même, les arbres féeriques peuvent pousser, perdre leurs feuilles, mourir... Les objets manufacturés peuvent être fabriqués, se casser... Toutefois, à la différence des objets terrestres, les objets féeriques n'existent que parce qu'ils sont pensés par un être-fée. Ils n'ont pas d'existence indépendante. Un objet peut être oublié. Alors il disparaît purement et simplement. Il suffit qu'un seul être-fée s'en souvienne pour le sauver du néant, mais dans le cas contraire, il cesse d'exister (il ne devait pas être bien important de toutes façons...). Notons que le souvenir ne doit pas être forcément conscient. Un être-fée qui s'endort ne se réveille pas tout nu parce qu'il n'a pas pensé à ses vêtements durant la nuit. Il n'est pas non plus nécessaire de penser à chaque plante et à chaque animal d'une forêt. C'est l'esprit qui compte.

Les liens qui existent entre les objets féeriques et les êtres-fées qui les ont créés sont plus ou moins forts. Les éléments présents dans l’environnement « par principe », non pas parce que quelqu’un y pense expressément mais parce que leur présence est naturelle dans le Domaine, sont appelés éléments du décor. Les éléments qui sont au contraire directement attachés à la personne d’un être-fée et sont en fait des extensions de lui-même, sont ses Emanations Accessoires. Cela permet de faire une classification des objets chez les Féeriques. Prenons pour exemple les différents objets que l'on peut trouver dans le terrier d'un Lutin (son Domaine).

Les éléments du décor.

Ce sont les objets les plus communs dans Féerie. Ils n'ont pas de conscience propre. Ils sont là pour faire joli, parce que c'est « normal » de les voir traîner là. Cela ne signifie pas qu'ils sont moins réels que le reste. Simplement, personne n'y fait particulièrement attention. Ils n'ont pas d'autres propriétés que les caractéristiques que l'on qualifierait de « naturelles » chez les Terrestres. Dans notre exemple, la vaisselle de tous les jours, la carpette du salon, les chaises, peuvent n'être que de simples éléments du décor du terrier du Lutin. Il les aime bien, les dépoussière de temps en temps, mais n'y est pas spécialement attaché.

La qualité et la quantité de ces objets dépendent du niveau d'Affinité Domaine du ou des habitants. Un Lutin à l'humeur vagabonde aura un intérieur assez spartiate. Au contraire, un Lutin casanier pourra avoir un terrier très vaste et confortable s'il le désire. Mais si c'est un lutin casanier très sage, il le voudra certainement très confortable... La notion de qualité est liée au caractère de l'être-fée : un Troll des marais peu très bien trouver charmant d'avoir de la vase dans sa baignoire... Plusieurs êtres-fées peuvent mettre en commun leurs Affinités Domaine pour créer un environnement plus riche.

Les éléments du décor sont interchangeables. Ils peuvent être pris par n'importe qui, voire volés, mais en fait ça ne gêne pas grand monde. Puisqu'il est logique que le Lutin ait des chaises chez lui, il en a une quantité indéterminée et n'en sera jamais à court (il faudrait un Geis pour lui interdire d'avoir des chaises chez lui). Ce qui ne veut pas dire qu’il ne sera pas fâché qu’on lui en ait volé une ! N’oubliez pas, chez les Féeriques, tout est une question de principe. A l’inverse, le Domaine d’un Féerique peut être tel que, quel que soit le nombre d’invités, il manque toujours une chaise (il s’agit, en termes de jeu, d’une restriction de type horripilant)...

Le voleur, quant à lui, aura des chaises tout ce qu'il y a de plus solides. Si c’est un Lutin collectionneur de chaises (pourquoi pas ?), il pourra les garder chez lui autant qu’il veut. Toutefois, s'il n'a aucune Affinité avec ces objets, s'ils n'ont rien à voir avec ses Traits, avec le concept de son Domaine et de ses Compagnons, elles disparaîtront purement et simplement (de toutes façons, on se demande bien qui irait voler des objets qui ne l'intéressent pas...). Cela arrive dès que des éléments du décor sont hors contexte. Un objet devient hors contexte dès qu’il n’a plus de lien direct avec son environnement : le Domaine dans lequel il se trouve et les créatures qui l'entourent n'ont rien à voir avec lui. Il disparaît alors purement et simplement. Le contexte n’est pas seulement un lieu (et on a vu le peu de cas que les êtres-fées font des lieux), c'est une question de cohérence de concept.

Vite, un exemple : une chaise dans une maison n’est pas hors contexte. Par contre elle l’est en pleine montagne. Inversement, une pierre n’est pas hors contexte en montagne, mais elle l’est dans une maison, sauf si l’habitant est un Kobold qui a ramené chez lui une pierre de la mine parce qu’il en fait collection.

La plupart des objets qui se trouvent dans un Domaine sont hors contexte dès qu’ils sortent du Domaine. Seul le matériel « de voyage » (sac à dos, bâton de marche...) peut en sortir sans encombre. Inversement, si son voisin le Gnome offre cordialement au Lutin ci-dessus un « ravissant » bibelot (élément de décor pris sur ceux de son Domaine, donc sans conséquence technique), il y a toutes les chances qu'il s'efface dès que le Gnome aura le dos tourné, puisqu'il n'a aucune valeur sentimentale (ni Affinitaire) pour le Lutin. En revanche, on le retrouvera sans doute, tout poussiéreux et oublié sur une étagère, chaque fois que le Gnome viendra prendre le thé, car lui ne l'a pas oublié.

Les Emanations Accessoires

Certains objets sont tellement particuliers et ont un sens tellement fort pour leur possesseur qu'ils deviennent des Affinités de cette personne. Ce sont les Emanations Accessoires. Une Emanation est un objet unique et souvent très spécial, avec une histoire qui lui est propre et des caractéristiques hors normes. Elle a une forme de conscience et un caractère, pas nécessairement calqué sur celui de son possesseur. Elle ne peut être associée qu'à un seul Féerique qui a une Affinité dédiée à cette Emanation. Notre Lutin a probablement une Affinité avec sa pipe d'écume, avec laquelle il gagne tous les concours de ronds de fumée. Elle représente une salamandre dont la gueule ouverte constitue le fourneau de la pipe. Le goût qu'elle donne au tabac est inimitable. On se rappelle aussi de Wormilius le Dragon qui était si avare qu'il avait développé une Affinité avec chacune des innombrables pièces d'or de son trésor personnel…

Une Emanation permet de bénéficier de tous les bonus de son Affinité et éventuellement d'autres Affinités qui trouvent à s'appliquer (dans la limite des cumuls de bonus). Il ne peut y avoir qu'un seul possesseur. Le lien est si puissant que lorsque l'objet est séparé de son détenteur, ce dernier sait toujours dans quelle direction il se trouve, et approximativement à quelle distance et dans quel Contexte, même par delà les mondes. La seule manière de briser le lien est de vaincre le porteur suffisamment pour le Dépouiller de toute son Affinité en une seule fois. Dans ce cas le vainqueur devient le nouveau détenteur de fait.

Les objets du monde terrestre

Les objets du monde terrestre ne peuvent normalement pas être importés dans le monde de Féerie. Il est toutefois possible de les faire passer par un Point de Contact. De même, un humain venant en Féerie peut emporter certaines possessions avec lui. En Féerie, ces objets ne s'usent pas. Ils peuvent toutefois casser si on les manipule trop violemment.

Les objets terrestres ont la fantastique caractéristique d'exister par eux-mêmes. Ils ne sont jamais hors-contexte et n'importe qui peut les utiliser. En contrepartie, ils ne peuvent devenir des Emanations, même si des bonus d'Affinité peuvent s'y appliquer (un Féerique qui a l'Affinité escrime peut manier une épée terrestre en jouissant de son bonus). Ils sont donc assez peu utilisés par les êtres-fées, même si les collectionneurs leur trouvent un exotisme certain.

Les effets personnels

Les Féeriques ne sont pas nus de façon intrinsèque comme les humains peuvent l’être. Ils existent avec tous leurs vêtements, leur équipement, qui ne sont que des éléments de leur Manifestation. Ces effets personnels sont juste là pour le décorum, parce qu’ils ont naturellement une place auprès du Féerique. Ils n’ont aucune capacité particulière, sauf s'ils sont les Signes d'un Attribut quelconque du Féerique. Les effets personnels sont aux Féeriques et à leurs Compagnons ce que les éléments du décor sont aux Domaines.

Vite, un exemple : Tel preux chevalier est par nature en armure rutilante sur un fier destrier blanc caparaçonné d'argent. L’armure rutilante peut être un effet personnel purement décoratif (même si le chevalier a probablement une Résistance importante), tandis que le fier destrier est une Affinité Compagnon munie d'un Pouvoir féerique de déplacement à grande vitesse et d'un effet personnel « caparaçon d'argent ».

Tel Gobelin des mines a avec lui un lourd pic à charbon et sur son bonnet une bougie allumée. Le pic de mineur, s’il a une grande importance pour le Gobelin, peut être une Affinité Accessoire et sa bougie, le Signe d'un Pouvoir d’illumination ou de vision dans le noir. Le bonnet, en revanche est un effet personnel purement décoratif.

Les effets personnels d’un Féerique sont en contexte tant qu’ils sont avec ce Féerique. Dès qu’il s’en sépare, ils peuvent devenir hors-contexte et disparaître.

Attention, ce n’est pas parce que les possessions d’un Féerique ne sont pas objectives qu’il peut faire apparaître n’importe quoi de sa poche. Les Féeriques ont en général très peu d’équipement : ils ont des effets personnels, des Emanations ou des objets qu’ils ont suscités par Influence pour une application donnée. Ces types d’objets sont dûment notés par le joueur. Si ces objets sont hors de propos, le meneur de jeu peut indiquer à un joueur qu’il n’est pas dans le ton et refuser sa proposition.

Les échanges

Les Services

Bien que les Féeriques ne possèdent en général pas de monnaie, ni même de biens personnels au sens humain, il existe tout de même un système de commerce en Féerie. Simplement, pour les transactions de faible valeur, les Féeriques s’échangent des Services au lieu de marchandises. Un Service est une notion très vague, souvent définie lors d’une transaction par le meilleur baratineur. Il consiste en une activité, en général insignifiante, effectuée par celui qui le rend et au bénéfice de celui qui le demande. Cette activité peut être de nature diverse, mais ce doit être une obligation ponctuelle (prête-moi ton chapeau jusqu'à la fin de la fête, fais-moi traverser la rivière...) et non pas définitive (donne-moi définitivement ton chapeau, fais-moi traverser la rivière chaque fois que je te le demanderai...) car cela relèverait d'un Geis.

En outre, elle ne peut entraîner directement de dépense d'Essence de la part de celui qui le rend. Cela dit, un Service peut parfois entraîner de façon indirecte dangers, risques ou la nécessité de recourir à des effets magiques pour celui qui le rend, mais ils ne peuvent découler naturellement de la formulation du Service, même si celui qui le formule sait très bien que lui rendre le Service qu'il demande est beaucoup plus compliqué qu'il n'y paraît... Les Féeriques savent donc faire preuve d'une mauvaise foi consommée dans l'art de formuler comme des Services parfaitement anodins, donc juridiquement valides, des choses qui se révèlent constituer des quêtes de proportion héroïque...

Vite, un exemple : on peut demander à titre de Service d'aller cueillir des pommes sur le pommier voisin. Si le pommier en question est le Domaine d'un Féerique acariâtre et avare de ses pommes, il peut y avoir conflit, mais ce n'est pas le problème du demandeur du Service : après tout, tout ce qu'il demande c'est quelques pommes...

Ne pas rendre un Service auquel on s'est engagé revient à rompre un Geis d'intensité zéro au profit du bénéficiaire du Service, en appliquant les règles sur les conditions de rupture des Gesa (ce qui revient à dire qu'il n'y a effectivement Dépouillement que si le refus de rendre Service est cynique et délibéré). Les Féeriques sont donc également très habiles pour s'acquitter de leurs engagements sans se mouiller outre mesure. En outre, puisque le Féerique indélicat n'a pas été vaincu, le Dépouillement en cas de rupture de ses engagements est soumis à déperditions, comme une Scission. Le Féerique floué ne récupère donc en général pas grand chose...

Un Service est une unité indivisible et sans multiple : on ne rend pas un « petit » ou un « grand » Service, mais un Service, tout simplement, dont la valeur est décidée par la convention des parties. L'achat d'une grande quantité de choses anodines se réglera en plusieurs Services. Les transactions plus importantes, c'est à dire susceptibles d'exiger des efforts significatifs de part et d'autre, sont régies par les Pactes.

Les Pactes

Lors d’une transaction de plus grande ampleur, les deux parties s’expliquent l’une à l’autre en quoi consistent les engagements réciproques à respecter. La valeur d’un engagement dépend de sa difficulté, des risques pris pour le remplir et du coût personnel qu’il implique. Là encore, il ne peut s'agir que d'activités, éventuellement complexes, mais sans incidence définitive sur le comportement des parties en présence : ce n'est pas un Geis. Attention, ce sont des valeurs totalement subjectives, définies a priori sans connaître exactement les conséquences des engagements (conséquences qui peuvent être éventuellement cachées par l’une des parties). La valeur des engagements pris par les parties en présence donne l'intensité du Pacte.

 

Type de Pacte

Intensité

simple Service

0

contrat avec quelques enjeux personnels

4

Pacte important avec fortes mises de part et d’autre

8

Enjeux capitaux et risques importants

12

grandes quêtes légendaires

16+

Exemples de Pactes :

·       Tu devras nettoyer mes affaires.

·       Tu me suivras jusqu’à [tel lieu].

·       Présente-moi tes excuses (Service).

·       Tu devras exécuter trois de mes vœux.

·       Tu devras me servir jusqu’à ce que je te congédie.

Si un Féerique ne remplit pas sa part de marché, l’autre Féerique a le choix soit de ne pas remplir la sienne et d’annuler le contrat, soit de demander réparation. La partie défaillante subit au profit de l'autre un Dépouillement d'intensité égale à celle du Pacte (exactement comme la rupture d'un Geis). A la manière des Gesa, ce nombre est corrigé par la façon dont le contrat est rompu. Toutefois, à la différence des Gesa, le Féerique qui perd son Glamour n’a pas été vaincu par l’autre. Aussi doit-on appliquer les déperditions à ce transfert, comme lors d'une Scission. Remarquons qu’il est possible que les réparations soient faites dans les deux sens, si les deux parties échouent et refusent d’annuler le contrat (ce qui est, soit dit en passant, assez ridicule).

Soulignons qu'on raisonne en termes de parties en présence, et non en termes d'individus. Si plusieurs contractants rompent leurs engagements, ils sont Dépouillés collectivement et non individuellement à hauteur de l'intensité du Pacte (donc plus ils sont nombreux moins chacun supporte un Dépouillement important), au profit de l'ensemble des autres (donc plus les autres sont nombreux, moins ils récupèrent de Glamour de la part des défaillants, sans parler des déperditions). Si l'une des parties en présence est constituée de plusieurs individus, leur responsabilité est solidaire : il suffit que l'un d'entre eux trahisse ses engagements pour que tous ses pairs soient Dépouillés. A l'inverse, si ce groupe est trahi par les autres parties en présence, ses membres bénéficient tous du Dépouillement.

Vite, un exemple : 2 Kobolds scellent avec un Farfadet un Pacte à 8 points. Si l'un des 3 ne respecte pas ses engagements (ça peut être un des Kobolds qui trahit l'autre), il est Dépouillé au profit de la partie adverse, avec déperditions.

Si le Farfadet trahit l'un des Kobolds, il subit un Dépouillement d'intensité 8 et chacun des Kobolds récupère 3 points de Glamour (8-1/4x8 de déperditions, le tout divisé par 2 Kobolds).

Si l'un des Kobolds trahit le Farfadet, les deux subissent un Dépouillement d'intensité 4 (8/2) et le Farfadet récupère 6 points de Glamour (8-1/4x8).

 

 

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